Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/451

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son exemple, car, jusqu’à ce que la liberté soit universelle, elle ne lui cédera que la moitié de ses fruits.

Or, au point de vue de l’influence que peut exercer sur les nations cette initiative de la grande réforme commerciale, quelle différence immense sépare le droit fixe du droit ad valorem !

Avec le droit uniforme, vous continuerez, comme aujourd’hui, à recevoir quelques vins de Xérès et des bons crus de la Champagne et du Bordelais. L’Angleterre et la France se toucheront encore par leurs sommités aristocratiques, et vos riches seigneurs donneront la main, par-dessus la Manche et à travers les tarifs, à nos grands propriétaires. Mais voulez-vous que votre population et la nôtre soient mises en contact sur tous les points ; qu’un commerce actif et régulier entre les deux peuples pénètre dans tous les districts, dans toutes les communes, dans toutes les familles ? Tenez-vous à voir l’Angleterre passer le détroit et enfoncer dans notre sol de profondes racines ? Renoncez à ce droit fixe, et laissez l’infinie variété de nos produits aller satisfaire l’infinie variété de vos goûts et de vos fortunes. Alors les avocats du free-trade, en France, auront une large base d’opérations ; car la connaissance, l’amour, le besoin du libre-échange descendront jusque dans nos chaumières, et il n’y aura pas un de nos foyers qui ne suscite quelque défenseur à ce principe d’éternelle justice. Et ai-je besoin de vous dire les conséquences ?… La puissance de consommation s’élargira tellement, en France comme en Angleterre, qu’il y aura des débouchés pour vos manufactures comme pour nos fabriques, pour nos champs comme pour les vôtres ; et le temps arrivera, je l’espère, où vous pourrez transformer en navires marchands vos vaisseaux de guerre, comme nous pourrons rendre nos jeunes soldats à l’industrie.

Paix au dehors, justice au dedans, prospérité partout, —