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Je ne veux cependant pas dire que la spoliation, sous cette forme, ait un caractère aussi odieux que le vol proprement dit. Mais pourquoi ? uniquement parce que l’opinion porte encore un jugement différent sur ces deux manières de s’emparer du bien d’autrui.

Il a été un temps où une nation pouvait en dépouiller une autre, non-seulement sans tomber dans le mépris public, mais encore en se conciliant l’admiration du monde. L’opinion ne flétrissait pas alors le vol, pratiqué sur une grande échelle sous le nom de conquête ; et il est même remarquable que, bien loin de considérer l’abus de la force comme incompatible avec la vraie gloire, c’est précisément pour la force, en ce qu’elle a de plus abusif, qu’étaient réservés les lauriers, les chants des poëtes et les applaudissements de la foule.

Depuis que la conquête devient plus difficile et plus dangereuse, elle devient aussi moins populaire ; et l’on commence à la juger pour ce qu’elle est. Il en sera de même de la protection ; et si la déprédation, de peuple à peuple, est tombée en discrédit, malgré toutes les forces qui ont été de tout temps employées pour l’environner d’éclat et de lustre, il faut croire qu’il ne sera pas moins honteux, pour les habitants d’un même pays, de se dépouiller les uns les autres par la prosaïque opération des tarifs.

Si même l’on appréciait les actions humaines par leurs résultats, ce genre d’extorsion ne tarderait pas à être plus méprisé que le simple vol. Celui-ci déplace la richesse ; il la fait passer, des mains qui l’ont créée, à celles qui s’en emparent. L’autre la déplace aussi, et de plus il la détruit. La protection ne donne aux exploitants qu’une faible partie de ce qu’elle arrache aux exploités.

Si le régime restrictif place sous la sauvegarde des lois des actions criminelles, et présente comme légitime une manière de s’enrichir qui a, avec la spoliation, la plus par-