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qu’elle tiendra à notre rivale par les liens les plus étroits.

Il est vrai, il faut le dire pour être impartial et pour qu’on ne m’accuse pas de ne considérer les questions que sous un aspect, que la France pourra tirer quelques en cas de guerre, de son isolement commercial, de l’extinction de ses rapports extérieurs, de la nullité de sa marine marchande, toutes conséquences du système économique qu’elle a adopté. Elle sera redoutable, comme l’est dans la société un ennemi qui, n’ayant rien à perdre, peut faire beaucoup plus de mal qu’il n’est possible de lui en rendre. L’absence de liens a été souvent prise, en politique comme en morale, pour de l’indépendance. Sous l’influence de cette idée, Rousseau, qui aimait à poursuivre un principe dans toutes ses conséquences, avait été amené à proscrire, comme autant de liens par lesquels on peut nous atteindre, d’abord la richesse, ensuite la science, puis la propriété, et enfin la société elle-même. Logicien inflexible, à ses yeux le négociant était le type de la dégradation humaine, « parce que, disait-il, on peut le faire crier à Paris en le touchant dans l’Inde ; » au contraire, le type de la perfection était le sauvage : il n’est assujetti qu’à la force brute, « et après tout, disait Rousseau, si on le chasse d’un arbre, il peut se réfugier sous un autre. » Le philosophe n’a pas vu que, à ce compte, la perfection est dans le néant.

Le système qui a pour objet de restreindre l’échange, et par conséquent le travail et le bien-être, procède de la même doctrine. Il invoque sans cesse l’indépendance nationale. Mais l’indépendance fondée sur ce qu’on n’a rien à perdre, sur ce qu’on a rompu tous les liens par lesquels on pourrait nous atteindre, c’est l’indépendance du sauvage, c’est l’invulnérabilité du néant. Si un peuple, adoptant la liberté du commerce, parsemait de ses vaisseaux toutes les mers, pendant qu’un autre, obéissant au régime