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port avec l’Espagne. Jusqu’alors je n’avais jamais songé à ce pays-là, à cause de sa nullité. » Voilà l’origine de la guerre de la Péninsule.

« L’obligation de maintenir le système continental amenait seule des difficultés avec les gouvernements dont le littoral facilitait la contrebande. Entre ces États, la Russie se trouvait dans une situation embarrassante. Sa civilisation n’était pas assez avancée pour lui permettre de se passer des produits de l’Angleterre. J’avais exigé pourtant qu’ils fussent prohibés. C’était une absurdité ; mais elle était indispensable pour compléter le système prohibitif. La contrebande se faisait ; je m’en plaignis ; on se justifia ; on recommença ; nous nous irritions. Cette manière d’être ne pouvait durer. » Voilà l’origine de la guerre de Russie.

Et c’est là ce que l’école moderne nous donne pour de la politique profonde ! Certes, je n’ai pas la folle présomption de contester le génie de l’Empereur ; mais enfin, faut-il abjurer le sens commun et humilier sa raison devant ce tissu d’absurdités monstrueuses ? Bonaparte imagine que l’industrie manufacturière doit être la tendance générale de l’État ; qu’il doit, par ses décrets, détourner les capitaux et le travail de leur pente naturelle pour donner une autre impulsion à l’esprit de trafic. Pour cela, il organise un système de primes énormes en faveur des fabricants et fonde le régime prohibitif. Il reconnaît que ce régime fait mal son devoir ; qu’il produit un renchérissement qui tourne à l’avantage du commerce anglais, qu’il a pour but de ruiner. Alors il songe à le compléter. Il menace l’existence de l’Angleterre ; guerre à mort avec l’Angleterre. Il veut faire respecter son système dans le Midi ; guerre à mort avec l’Espagne. Il exige que la Russie se passe de ce dont elle ne peut se passer ; guerre à mort avec la Russie. Enfin la France est envahie deux fois, humiliée, chargée de tributs ; Bonaparte est attaché à un rocher, et il s’écrie : « Le fait a prouvé en ma