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Elle a exagéré le principe, dit-on. — Que signifie cela ? Si le principe est bon, on n’en saurait faire une application trop absolue.

Si je voulais démontrer par les faits la connexité qui existe entre l’antagonisme commercial et l’antagonisme militaire, il me faudrait rappeler l’histoire moderne tout entière. Qu’il me soit permis d’en citer l’exemple contemporain le plus remarquable.

Écoutons Napoléon. Ses paroles, ses actes, le souvenir des résultats qu’ils ont amenés nous en apprendront plus que bien des volumes.

« On me proposa le blocus continental ; il me parut bon et je l’acceptai ; il devait ruiner le commerce anglais. En cela, il a mal fait son devoir, parce qu’il a produit, comme toutes les prohibitions, un renchérissement, ce qui est toujours à l’avantage du commerce. »

Voilà donc un système qui est bon parce qu’il doit ruiner nos rivaux ; qui fait mal son devoir précisément en cela ; qui est par sa nature tout à l’avantage du commerce qu’il a pour objet de ruiner ; qui agit donc contrairement à son but. Quelle logomachie !

« Les ports de mer (français) étaient ruinés. Aucune force humaine ne pouvait leur rendre ce que la Révolution avait anéanti. Il fallait donner une autre impulsion à l’esprit de trafic. Il n’y avait pas d’autre moyen que d’enlever aux Anglais le monopole de l’industrie manufacturière, pour faire de cette industrie la tendance générale de l’économie de l’État. Il fallait créer le système continental ; il fallait ce système et rien de moins, parce qu’il fallait donner une prime énorme aux fabriques. »

Voilà bien le régime prohibitif. Il aspire à donner à l’esprit de trafic (travail eût été une expression moins dédaigneuse et plus juste) une impulsion différente de celle qu’il reçoit de son propre intérêt ; et il ne veut pas voir que la