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protecteur : « J’espère bien que je ne ferai plus partie des conseils de l’Angleterre, quand il y sera établi en principe qu’il y a une règle d’indépendance et de souveraineté pour le fort et une autre pour le faible, et lorsque l’Angleterre, abusant de sa supériorité navale, exigera pour elle soit dans la paix, soit dans la guerre, des droits maritimes qu’elle méconnaîtra pour les autres, dans les mêmes circonstances. De pareilles prétentions amèneraient la coalition de tous les peuples du monde pour les renverser. »

On n’a pas oublié la crise industrielle, commerciale et financière qui désola l’Angleterre, vers la fin de l’administration de lord John Russell. Au milieu d’une détresse générale, en face des guerres de la Chine et de l’Afghanistan, en présence du déficit, il semble que le moment était mal choisi pour développer la grande réforme douanière et coloniale essayée par Huskisson. C’est pourtant dans ces circonstances que le cabinet whig présenta un projet qui n’allait à rien moins qu’à détruire presque entièrement le régime de la protection et à révoquer le contrat de monopole réciproque qui lie l’Angleterre à ses colonies. C’est une chose étrange, pour une oreille française, qu’un langage ministériel semblable à celui que tenaient alors les chefs de l’administration britannique. « Les taxes n’emplissent plus le trésor, disaient-ils ; il faut se hâter de les diminuer, afin que le peuple vive mieux, ait plus de travail, consomme davantage et prépare ainsi, pour l’avenir, un aliment au revenu public. Laissons entrer le froment, le sucre, le café, à des droits modérés. Débarrassons-nous du monopole qu’exercent sur nous nos colonies, à la charge par nous de renoncer à celui que nous exerçons sur elles. Par là nous les appellerons à l’indépendance, à la prospérité ; et délivrés des dépenses et des dangers qu’elles entraînent, nous n’aurons avec elles et avec le monde que des relations libres et volontaires. »