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tement rattachées à la cause qui les produit. Il n’est plus vrai de dire que le monopole ne rallie à lui que quelques intérêts isolés ; il est devenu malheureusement le patrimoine de toutes les grandes industries, et particulièrement de celles qui confèrent l’influence politique. « Protéger, disait encore M. de Saint-Cricq, dans l’exposé des motifs de la loi qui organisa et consolida définitivement le régime prohibitif en France ; protéger l’industrie agricole, toute l’industrie agricole, l’industrie manufacturière, toute l’industrie manufacturière, c’est le cri qui retentira toujours dans cette Chambre. » On ne sait pourquoi le ministre oublie de parler de l’industrie commerciale, puisque la navigation a aussi sa large part de protection.

Ainsi les agriculteurs, les propriétaires, les manufacturiers, les capitalistes qui leur font des avances, les armateurs, les ouvriers des fabriques, les fermiers et métayers, les marins, les classes les plus influentes et les plus nombreuses ont été rattachées au régime restrictif. Sans doute la protection, dont l’injustice est évidente quand elle est le privilége de quelques-uns, devient illusoire quand elle s’exerce par tous sur tous. Mais il arrive alors que, chacun fermant les yeux sur les monopoles qu’il subit pour conserver celui qu’il exerce, le système entier jette dans tous les esprits des racines profondes.

Sur quel fondement alléguerait-on que l’opinion publique est favorable en France à la liberté du commerce, quand on ne pourrait pas citer une seule parole prononcée dans l’une ou l’autre chambre en faveur de cette liberté, si ce n’est peut-être l’exclamation d’un député ? De toutes les parties de l’enceinte législative, on réclamait des représailles contre le nouveau tarif des États-Unis : « Il n’est pas bien certain, dit un député, que les représailles ne soient aussi funestes à ceux qui s’en servent qu’à ceux contre qui on les dirige. » Ce député était sans doute de l’oppo-