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matière de douanes et d’échanges internationaux, politique manifestée par une foule de mesures restrictives ; et comme, à ce que je crois on ne pourrait pas en citer une seule prise par lui dans un sens libéral, je suis fondé à dire que la France s’engage chaque année davantage dans le régime de la protection. C’est la première proposition que j’avais à établir.

Toutefois ce n’est point en vue de ces modifications rétrogrades que j’énonce cette proposition, sous une forme aussi générale. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’on peut conclure de quelques actes du gouvernement à la persistance d’un système. Les gouvernements ne sont pas toujours l’expression de l’opinion publique. Souvent même ces deux puissances agissent momentanément en sens contraire ; et comme nos constitutions modernes ont pour objet de faire tôt ou tard triompher l’opinion, je ne me hasarderais pas à dire, en vue de quelques ordonnances restrictives, que la France tend à s’isoler des autres nations, si je pouvais penser que l’opinion désapprouve ces mesures.

Mais il n’en est pas ainsi. Loin que les mesures dont je viens de parler aient été prises contrairement au vœu public, je suis porté à croire qu’en les adoptant, l’administration a obéi, et peut-être avec répugnance, à la toute-puissance de l’opinion ; et puisque c’est à elle surtout qu’appartient l’avenir, il doit m’être permis d’étudier le rôle qu’elle joue dans la question qui nous occupe.

Les économistes se plaisent à représenter le système prohibitif comme un édifice antique, vermoulu, qui croule de toutes parts : « Soutenu, disent-ils, par quelques intérêts privilégiés, il pèse sur les masses, et il porte en lui-même tous les éléments d’une prochaine destruction. » Ils ont raison sans doute d’attribuer de grandes et générales souffrances à ce système ; mais ils me semblent se faire complétement illusion quand ils s’imaginent que ces souffrances sont clairement aperçues par les masses et distinc-