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supporter un droit de 50 francs ! Mais telle est la nature de la protection : elle laisse entrer ce dont nous n’avons que faire et repousse ce dont nous avons le plus besoin.

Je ne rappellerai ici la proposition faite par le ministre des finances, d’élever les droits sur le sésame, que parce que le génie de la protection, ou plutôt du monopole, s’y montre dans toute sa nudité. C’est lui sans doute qui a inspiré les mesures que je viens d’examiner, mais secrètement pour ainsi dire, en s’environnant de prétextes, en mettant ses intérêts et ses vues derrière des questions fiscales et coloniales. Mais quant au sésame, il n’y a pas moyen d’invoquer le patriotisme, l’orgueil national, les besoins de la navigation, la haine de l’étranger, etc., etc. Il faut bien avouer franchement qu’on élève le droit uniquement parce que le sésame rend plus d’huile que le colza. On avait cru que cette graine rendait 20 pour 100 d’huile, et on l’avait soumise à un droit égal à 1. On s’aperçoit que ce rendement est de 40 pour 100, et l’on élève le droit à 2. Si plus tard une autre plante se présente qui donne 60 pour 100, on portera le droit à 3 ou 4, et ainsi de suite, repoussant les produits en proportion de ce qu’ils sont riches et précisément parce qu’ils sont riches. C’est bien là le caractère de la protection dans toute sa sincérité, débarrassée des prétextes, des sophismes, des faux exposés sous lesquels elle se déguise quand elle le peut. Ici elle se présente toute franche et toute nue. Ici le monopole ne prend pas des voies tortueuses ; il dit : L’étranger possède un végétal riche et productif ; c’est un bienfait de la nature qu’il veut partager avec mon pays. Mais moi j’ai une plante relativement pauvre, inféconde, et je veux forcer mon pays à s’en contenter. Le consommateur est une matière inerte dont le gouvernement dispose ; j’entends qu’il le réserve à mes produits. — Et le gouvernement d’accéder à l’injonction.

J’ai examiné la politique du gouvernement français, en