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ceux-là qu’ils s’efforcent de réserver au travail de leurs producteurs. » Si, par la protection, les gouvernements entendent disposer des consommateurs soumis à leurs lois, par les colonies ils s’efforcent de soumettre à leurs lois des consommateurs dont ils puissent disposer. Une de ces politiques conduit à l’autre ; toutes deux émanent de la même idée, procèdent de la même théorie, et ne sont, si je puis le dire, que les deux aspects, intérieur et extérieur, d’une combinaison identique.

Cela posé, j’ai à établir deux faits.

1o La France s’engage de plus en plus dans la vie artificielle de la protection.

2o L’Angleterre s’avance graduellement vers la vie naturelle de la liberté.

J’aurai ensuite à résoudre cette question :

3o Quelles seront, sur la prospérité, la sécurité et la moralité des deux peuples, les conséquences de la situation dans laquelle ils aspirent à se placer ?

§ I. — Que la France développe, à chaque session, le régime protecteur, c’est ce qui résulte surabondamment des dispositions qui viennent périodiquement prendre place dans le vaste Bulletin de ses lois.

Depuis deux ans, elle a exclu les tissus étrangers de l’Algérie, élevé les droits sur les fils anglais, renforcé le monopole du sucre au profit des Antilles, et la voilà sur le point de repousser, par aggravation de taxes, les machines et le sésame.

Un mot sur chacune de ces mesures.

On a repoussé de l’Algérie les produits étrangers. « C’est bien le moins, dit-on, que nous exploitions exclusivement une conquête qui nous coûte si cher. » Mais, en premier lieu, forcer la jeune colonie d’acheter cher ce qu’elle pourrait obtenir à bon marché, restreindre ses échanges et par suite ses exportations, est-ce bien là favoriser sa prospérité ?