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concordaient. Au-dessus des divergences d’intérêts qu’on aperçoit d’abord entre le producteur et le consommateur, le capitaliste et le salarié, celui qui possède et celui qui ne possède pas, etc., il a fait voir qu’il existe des lois prédominantes d’équilibre et d’unité qui associent ces intérêts et englobent ces oppositions secondaires dans une harmonie supérieure. En sorte que « le bien de chacun favorise le bien de tous, comme le bien de tous favorise le bien de chacun ; » et que « le résultat naturel du mécanisme social est une élévation constante du niveau physique, intellectuel et moral pour toutes les classes, avec une tendance à l’égalisation, » — développement qui n’a d’autre condition que le champ laissé à la recherche et à l’action, c’est-à-dire la liberté.

Pour caractériser plus nettement la grande et belle position prise par Bastiat, nous avons supprimé des transitions et des nuances. Il est essentiel de les rétablir ; sans quoi il semblerait que Bastiat a créé une science nouvelle, tandis qu’il n’a prétendu, comme il le dit, que présenter un exposé nouveau d’une science déjà formée. Il faut donc faire remarquer que ses devanciers avaient déjà bien préparé son terrain, soit par leurs savantes analyses des phénomènes qu’il n’a eu le plus souvent qu’à rappeler, soit en s’élevant eux-mêmes aux considérations de l’intérêt général — notion beaucoup moins éloignée qu’on ne pense de celle du juste. Il faut dire que, sans être aussi hautement formulée, l’idée des grandes lois sociales a été de tout temps en germe dans la pensée des économistes, et que la fameuse devise du laisser passer n’est au fond qu’une affirmation de la gravitation naturelle des intérêts vers l’ordre et le progrès. Enfin il faut ajouter, pour rendre justice à