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venu qui ne coûte aucuns frais de perception et qui est supporté par le consommateur étranger.

Mais, il faut le dire, ce n’est plus la fiscalité, c’est la protection qui est le but de nos mesures douanières ; et pour les juger à ce point de vue, il faudrait entrer dans des démonstrations et des développements qui ne peuvent trouver place dans ce rapport. Je me bornerai donc aux considérations qui se rattachent directement à notre sujet.

L’idée qui domine dans le système de la protection est celle-ci : que si l’on parvient à faire naître dans le pays une nouvelle industrie, ou à donner un plus grand développement à une industrie déjà existante, on accroît la masse du travail, et par conséquent de la richesse nationale. Or un moyen simple de faire naître un produit au dedans, c’est d’empêcher qu’il ne vienne du dehors. De là les droits prohibitifs ou protecteurs.

Ce système serait fondé en raison, s’il était au pouvoir d’un décret d’ajouter quelque chose aux éléments de la production. Mais il n’y a pas de décret au monde qui puisse augmenter le nombre des bras, ou la fertilité du sol d’une nation, ajouter une obole à ses capitaux ou un rayon à son soleil. Tout ce que peut faire une loi, c’est de changer les combinaisons de l’action que ces éléments exercent les uns sur les autres ; c’est de substituer une direction artificielle à la direction naturelle du travail ; c’est de le forcer à solliciter un agent avare de préférence à un agent libéral ; c’est, en un mot, de le diviser, de le disséminer, de le dévoyer, de le mettre aux prises avec des obstacles supérieurs, mais jamais de l’accroître.

Permettez-moi une comparaison. Si je disais à un homme : « Tu n’as qu’un champ et tu y cultives des céréales, dont tu vends ensuite une partie pour acheter du lin et de l’huile ; ne vois-tu pas que tu es tributaire de deux autres agriculteurs ? Divise ton champ en trois ; fais