Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette époque de colère et d’injures. Il s’irritait bien un peu contre l’outrecuidance de ces despotiques organisateurs, de ces « pétrisseurs de l’argile humaine ; » il s’attristait profondément de cet entraînement vers les réformes sociales qui compromettait les réformes politiques encore si mal assises ; mais d’un autre côté il ne méconnaissait pas le côté élevé de ces aspirations égarées : Toutes les grandes écoles socialistes, disait-il, ont à leur base une puissante vérité… Le tort de leurs adeptes, c’est de ne pas savoir assez, et de ne pas voir que le développement naturel de la société tend bien mieux que toutes leurs organisations artificielles à la réalisation de chacune de leurs formules… — Magnifique programme qui indique aux économistes le vrai terrain de la pacification des esprits. Sa correspondance avec R. Cobden nous a révélé l’action pleine de grandeur que Bastiat cherchait à exercer en même temps sur la politique extérieure. Mais une autre préoccupation l’obsédait, toujours plus vive à mesure que sa santé s’affaiblissait. Il avait dans la tête, depuis longtemps, « un exposé nouveau de la science » et il craignait de mourir sans l’avoir formulé. Il se recueillit enfin pendant trois mois pour écrire le premier volume des Harmonies. Puisque cette œuvre, tout incomplète qu’elle soit, est le dernier mot de Bastiat, qu’on nous permette de chercher à définir l’esprit et la tendance de sa doctrine.

L’économie politique, en France, a eu, dès son origine, le caractère d’une sorte de morale supérieure. Les physiocrates lui donnaient pour objet le bonheur des hommes ; ils la nommaient la science du droit naturel. Le génie anglais, essentiellement positif et pratique, commença tout de suite par restreindre ce vol ambitieux : en substituant la consi-