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répéter : « Si nous souffrons, ce n’est pas parce que les échanges nous font défaut, parce que le poids des taxes nous étouffe ; mais nous avons planté trop de vignes. »

J’ai, à une autre époque, combattu cette assertion ; mais elle exprime une opinion trop répandue, le fisc en fait contre nous une arme trop funeste, pour que je ne revienne pas succinctement sur cette démonstration.

D’abord, je voudrais bien que nos antagonistes fixassent les limites qu’ils entendent imposer à la culture de la vigne ! Je n’entends jamais reprocher au froment, au lin, aux vergers, d’envahir une trop forte portion de notre territoire. L’offre comparée à la demande, le prix de revient rapproché du prix de vente, voilà les bornes entre lesquelles s’opèrent les mouvements progressifs ou rétrogrades de toutes les industries. Pourquoi la culture de la vigne, échappant à cette loi générale, prendrait-elle de l’extension à mesure qu’elle devient plus ruineuse ?

Mais, dit-on, c’est là de la théorie. Eh bien, voyons ce que nous révèlent les faits.

Le fisc, par l’organe d’un ministre des finances[1], nous apprend que la superficie viticole de la France était de 1 555 475 hectares en 1788, et de 1 993 307 hectares en 1828. L’augmentation est donc dans le rapport de 100 à 128. Dans le même espace de temps, la population de la France qui, selon Necker, était de 24 millions, s’est élevée à 32 millions, ou, dans le rapport, de 100 à 133. La culture de la vigne, loin de s’étendre démesurément, n’a donc pas même suivi le progrès numérique de la population.

Nous pourrions contrôler ce résultat par des recherches sur la consommation, si nous avions, à cet égard, des données statistiques. Il n’en a été recueilli, à notre connaissance, que pour Paris ; elles donnent le résultat suivant :

  1. M. de Chabrol, Rapport au Roi.