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sont une nécessité, dit la pétition de Lyon, les fabricants citent toutes les matières premières. »

Sans doute, il est avantageux pour une nation que les matières dites premières soient abondantes et à bas prix ; et, je vous prie, serait-il avantageux pour elle que les objets fabriqués fussent chers et rares ? Pour les unes comme pour les autres, il faut que cette abondance, ce bon marché soient le fruit de la liberté, ou que cette rareté, cette cherté soient le fruit du monopole. Ce qui est souverainement absurde et inique, c’est de vouloir que l’abondance des unes soit due à la liberté et la rareté des autres au privilége.

L’on insistera encore, j’en suis sûr, et l’on dira que les droits protecteurs du travail des fabriques sont réclamés dans l’intérêt général ; qu’importer des articles auxquels le travail n’a plus rien à faire, c’est perdre tout le profit de la main-d’œuvre, etc., etc.

Remarquez sur quel terrain les pétitionnaires sont amenés. N’est-ce pas le terrain du régime prohibitif ? M. de Saint-Cricq ne peut-il pas opposer un argument semblable à l’introduction des blés, des laines, des houilles, de toutes les matières enfin qui sont, nous l’avons vu, le produit du travail ?

Réfuter ce dernier argument, prouver que l’importation du travail étranger ne nuit pas au travail national, c’est donc démontrer que le régime de la concurrence ne convient pas moins aux objets fabriqués qu’aux matières premières. C’est la troisième question que je m’étais proposée.

Qu’il me soit permis, pour abréger, de réduire cette démonstration à un exemple qui les comprend tous.

Un Anglais peut importer une livre de laine en France, sous plusieurs formes : en toison, en fil, en drap, en vêtement ; mais, dans tous ces cas, il n’importera pas une égale quantité de valeur, ou, si l’on veut, de travail. Supposons que cette livre de laine vaille 3 francs brute, 6 francs en