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On conviendra peut-être que la laine et le blé sont le produit du travail. Mais la houille, dira-t-on, est certainement l’ouvrage, et l’ouvrage exclusif de la nature.

Oui, la nature a fait la houille (car elle a tout fait), mais le travail en a fait la valeur. La houille n’a aucune valeur quand elle est à cent pieds sous terre. Il l’y faut aller chercher, c’est un travail ; il la faut porter sur un marché, c’est un autre travail ; et remarquez-le bien, le prix de la houille sur le marché n’est autre que le salaire de ces travaux d’extraction et de transport.

La distinction qu’on a voulu faire, entre les matières premières et les matières fabriquées, est donc futile en théorie. Comme base d’une inégale répartition de faveurs, elle serait inique en pratique, à moins que l’on ne veuille prétendre que, bien qu’elles soient toutes deux des produits du travail, l’importation des unes est plus favorable que celle des autres au développement de la richesse publique. C’est la seconde question que j’ai à examiner.

2o Y a-t-il plus d’avantage pour une nation à importer des matières dites premières, que des objets fabriqués ?

J’ai ici à combattre une opinion fort accréditée.

« Plus les matières premières sont abondantes, dit la pétition de Bordeaux, plus les manufactures se multiplient et prennent d’essor. » — « Les matières premières, dit-elle ailleurs, laissent une étendue sans limites à l’œuvre des habitants du pays où elles sont importées. » — « Les matières premières, dit la pétition du Havre, étant les éléments du travail, il faut les soumettre à un régime différent et les admettre de suite au taux le plus faible[1]. » — « Entre autres articles dont le bas prix et l’abondance

  1. La même pétition veut que la protection des objets fabriqués soit réduite, non de suite, mais dans un temps indéterminé ; non au taux le plus faible, mais au taux de 20 pour 100.