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pect humain sous leurs pieds, rien d’irrésistible comme ces timidités devenues effrontées à force de conviction.

Mais quelle entreprise pour un homme qui tombe du fond des Landes sur le pavé inconnu de Paris ! Il fallait voir les journalistes, parler aux ministres, réunir les commerçants, obtenir des autorisations de s’assembler, faire et défaire des manifestes, composer et décomposer des bureaux, encourager les noms marquants, contenir l’ardeur des recrues plus obscures, quêter des souscriptions… Tout cela à travers les discussions intérieures des voies et moyens, les divergences d’opinions, les froissements des amours-propres. Bastiat est à tout : sous cette impulsion communicative, le mouvement prend peu à peu un corps et l’opinion s’ébranle à Paris. La Commission centrale s’organise, il en est le secrétaire ; on fonde un journal hebdomadaire, il le dirige ; il parle dans les meetings, il se met en rapport avec les étudiants et les ouvriers, il correspond avec les associations naissantes des grandes villes de la province, il va faire des tournées et des discours à Lyon, à Marseille, au Havre, etc. ; il ouvre, salle Taranne, un cours à la jeunesse des écoles ; et il ne cesse pas d’écrire pour cela : « Il donnait à la fois, dit un de ses collaborateurs, M. de Molinari, des lettres, des articles de polémique et des variétés à trois journaux, sans compter des travaux plus sérieux pour le Journal des Économistes. Voyait-il le matin poindre un sophisme protectionniste dans un journal un peu accrédité, aussitôt il prenait la plume, démolissait le sophisme avant même d’avoir songé à déjeuner, et notre langue comptait un petit chef-d’œuvre de plus. » Il faut voir dans les lettres de Bastiat le complément de ce tableau : les tiraillements intérieurs, les découragements, les soucis de famille ou la