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et des milliers de pages, et c’est à quoi notre attention ne peut suffire. Quoi qu’il en soit, je reconnais que cette grande et consolante cause, l’accord des intérêts des classes, ne doit à personne plus qu’à M. Carey. Il l’a signalée et prouvée sous un très-grand nombre de points de vue divers, de manière à ce qu’il ne puisse pas rester de doute sur la loi générale.

M. Carey se plaint de ce que je ne l’ai pas cité ; c’est peut-être un tort de ma part, mais il ne remonte pas à l’intention. M. Carey a pu me montrer des aperçus nouveaux, me fournir des arguments, mais il ne m’a révélé aucun principe. Je ne pouvais le citer dans mon chapitre sur l’échange, qui est la base de tout ; ni dans ceux sur la valeur, sur la communauté progressive, sur la concurrence. Le moment de m’étayer de son autorité eût été à propos de la propriété foncière ; mais, dans ce premier volume, je traitais la question par ma propre théorie de la valeur, qui n’est pas celle de M. Carey. À ce moment, je me proposais de faire un chapitre spécial sur la rente foncière, et je croyais fermement que mon second volume suivrait de près le premier. C’est là que j’aurais cité M. Carey ; et non-seulement je l’aurais cité, mais je me serais effacé, pour lui attribuer sur la scène le premier rôle : c’était l’intérêt de la cause. En effet, sur la question foncière, M. Carey ne peut manquer d’être une autorité importante. Pour étudier la primitive et naturelle formation de cette propriété, il n’a qu’à ouvrir les yeux ; pour l’exposer, il n’a qu’à décrire ce qu’il voit ; plus heureux que Ricardo, Malthus, Say et nous tous, économistes européens, qui ne voyons qu’une propriété foncière soumise aux mille combinaisons factices de la conquête. En Europe, pour remonter au principe de la propriété foncière, il faut employer le difficile procédé dont se servait Cuvier pour reconstruire un mastodonte ; il n’est pas très-surprenant que la plupart de nos écrivains se soient trompés dans