Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.

teurs s’en tiennent à des lieux communs fort usés. Mais je persiste toujours à penser que l’association finira par avoir une grande influence indirecte, en éveillant et formant l’opinion publique. Sans doute, vous ne ferez pas décréter officiellement la paix universelle ; mais vous rendrez les guerres plus impopulaires, plus difficiles, plus rares, plus odieuses.

Il ne faut pourtant pas se dissimuler que l’affaire de Grèce a porté un très-rude coup aux amis de la paix ; et il faudra bien du temps pour qu’ils s’en relèvent. Quel est, par exemple, le député français assez hardi pour seulement parler de désarmement partiel, en présence du principe international impliqué dans cette affaire grecque, avec l’assentiment (et c’est là surtout ce qui est grave) de la nation britannique ? Désarmer ! s’écrierait-on, désarmer au moment où une puissance formidable agit ouvertement en vertu de ce principe, qu’au moindre grief, qu’elle se croira contre un autre gouvernement, elle pourra non-seulement employer la force contre ce gouvernement, mais encore saisir les propriétés privées de ses citoyens ! Tant qu’un tel principe restera debout, coûte que coûte, il faut que nous restions tous armés jusqu’aux dents.

Il fut un temps, mon ami, où la diplomatie elle-même essaya de faire prévaloir le respect des propriétés particulières en mer, pendant la guerre. Ce principe est entré dans nos mœurs militaires. En 1814, les Anglais n’ont rien pris, dans le midi de la France, sans le payer. En 1823, nous avons fait la guerre en Espagne sur les mêmes errements ; et quelque injuste que fût cette guerre, au point de vue politique, elle marqua admirablement la distinction, désormais reçue, entre le domaine public et la propriété personnelle. M. de Chateaubriand essaya à cette époque de faire admettre, dans le droit international, la suppression de la course, des lettres de marque, en un mot, le respect de la