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pas avec un peuple qui analyse froidement ses plus chères illusions et qui souffre qu’on recherche devant lui ce qu’il y a de fumée dans la gloire !

Je me rappelle vous avoir témérairement insinué, dans le temps, le conseil de diriger vos coups sur le régime colonial avec lequel le free-trade est incompatible. Vous me répondîtes que l’orgueil national est une plante qui croît dans tous les pays et surtout dans le vôtre ; qu’il ne fallait pas essayer de l’extirper brusquement et que le free-trade en rongerait peu à peu les racines. Je me rendis à cette observation de bon sens pratique, tout en déplorant la nécessité qui vous fermait la bouche ; car je savais bien une chose, c’est que tant que l’Angleterre aurait quarante colonies, jamais l’Europe ne croirait à la sincérité de sa propagande. Pour mon compte, j’avais beau dire : « Les colonies sont un fardeau, » cela paraissait une assertion aussi paradoxale que celle-ci : « C’est un grand malheur pour un gentleman d’avoir de belles fermes. » Évidemment il faut que l’assertion et la preuve viennent de l’Angleterre elle-même. En avant donc, mon cher Cobden, redoublez d’efforts, triomphez, affranchissez vos colonies, et vous aurez réalisé la plus grande chose qui se soit faite sous le soleil, depuis qu’il éclaire les folies et les belles actions des hommes. Plus la Grande-Bretagne s’enorgueillit de son colosse colonial, plus vous devez montrer ce colosse aux pieds d’argile dévorant la substance de vos travailleurs. Faites que l’Angleterre, librement, mûrement, en toute connaissance de cause, dise au Canada, à l’Australie, au Cap : « Gouvernez-vous vous-mêmes ; » et la liberté aura remporté sa grande victoire, et l’économie politique en action sera enseignée au monde.

Car il faudra bien que les protectionnistes européens ouvrent enfin les yeux.

D’abord ils disaient : « L’Angleterre admet chez elle les objets manufacturés. Belle générosité, puisqu’elle a à cet