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partout on accroît les dépenses publiques, et les impôts et les entraves, quand les impôts existants sont précisément la cause des révolutions. Tout cela ne finira-t-il pas par une terrible explosion ?

Quoi donc ! la justice est-elle si difficile à pratiquer, la prudence si difficile à comprendre ?

Depuis que je suis ici, je ne vois pas de journaux anglais. Je ne sais rien de ce qui se passe dans votre parlement. J’aurais espéré que l’Angleterre prendrait l’initiative de la politique rationnelle, et qu’elle la prendrait avec cette hardiesse vigoureuse dont elle a donné tant d’exemples. J’aurais espéré qu’elle eût voulu to teach mankind how to live : désarmer, désarmer, abandonner les colonies onéreuses, cesser d’être menaçante, se mettre dans l’impossibilité d’être menacée, supprimer les taxes impopulaires et présenter au monde un beau spectacle d’union, de force, de sagesse, de justice et de sécurité. Mais hélas ! l’Économie politique n’a pas encore assez pénétré les masses, même chez vous.

Paris, 11 mai 1848.

Mon cher Cobden, il ne m’est pas possible de vous écrire longuement. D’ailleurs, que vous dirais-je ? Comment prévoir ce qui sortira du sein d’une assemblée de 900 personnes, qui ne sont contenues par aucune règle, par aucun précédent ; qui ne se connaissent pas entre elles ; qui sont sous l’empire de tant d’erreurs ; qui ont à satisfaire tant d’espérances justes ou chimériques, et qui pourtant peuvent à peine s’entendre et délibérer, à cause de leur nombre et de l’immensité de la salle ? Ce que je puis dire, c’est que l’assemblée nationale a de bonnes intentions. L’esprit démocratique y domine. Je voudrais pouvoir en dire autant de l’esprit de paix et de non-intervention. Nous le saurons lundi. C’est ce jour-là qu’on a fixé pour la conversation sur la Pologne et l’Italie.