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Ici nous ne pouvons pas tirer de l’idée des Français que l’Angleterre convoite l’Algérie. C’est absurde ; mais les apparences y sont.

Nous ne pouvons pas effacer des esprits la pensée que le droit de visite entre dans votre politique. C’est encore absurde ; mais les apparences y sont.

Au nom de la paix et de l’humanité, provoquez ces grandes mesures ! Faisons donc une fois de la diplomatie populaire, et faisons-la en temps utile.

Écrivez-moi ; dites-moi franchement si un voyage à Londres, entrepris dans ces vues, sous les auspices de M. de Lamartine, aurait quelques chances d’amener un résultat. Je lui montrerai votre lettre.


Mugron, 5 avril 1848.

Mon cher ami, me voici dans ma solitude. Que ne puis-je m’y ensevelir pour toujours, et y travailler paisiblement à cette synthèse économique, que j’ai dans la tête et qui n’en sortira jamais ! — Car, à moins d’un revirement subit dans l’opinion du pays, je vais être envoyé à Paris chargé du terrible mandat de Représentant du Peuple. Si j’avais de la force et de la santé, j’accepterais cette mission avec enthousiasme. Mais que pourront ma faible voix, mon organisation maladive et nerveuse au milieu des tempêtes révolutionnaires ? Combien il eût été plus sage de consacrer mes derniers jours à creuser, dans le silence, le grand problème de la destinée sociale ; d’autant que quelque chose me dit que je serais arrivé à la solution. Pauvre village, humble toit de mes pères, je vais vous dire un éternel adieu ; je vais vous quitter avec le pressentiment que mon nom et ma vie, perdus au sein des orages, n’auront pas même cette modeste utilité pour laquelle vous m’aviez préparé !…

Mon ami, je suis trop loin du théâtre des événements