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tiat, qu’il l’en sépare à peine lui-même dans ses derniers écrits : c’est celui de M. Félix Coudroy. Si Calmètes est le camarade du cœur et des jeunes impressions, Coudroy est l’ami de l’intelligence et de la raison virile, comme plus tard R. Cobden sera l’ami politique, le frère d’armes de l’action extérieure et du rude apostolat.

Cette intimité a été trop féconde en grands résultats pour que nous ne nous arrêtions pas un moment à dire la manière dont elle s’engrena : — C’est M. F. Coudroy qui nous l’a racontée. Son éducation, ses opinions de famille, plus encore peut-être sa nature nerveuse, mélancolique et méditative, l’avaient tourné de bonne heure du côté de l’étude de la philosophie religieuse. Un moment séduit par les utopies de Rousseau et de Mably, il s’était rejeté ensuite, par dégoût de ces rêves, vers la Politique sacrée et la Législation primitive, sous ce dogme absolu de l’Autorité, si éloquemment prêché alors par les de Maistre et les Bonald, — où l’on ne comprend l’ordre que comme résultat de l’abdication complète de toutes les volontés particulières sous une volonté unique et toute-puissante, — où les tendances naturelles de l’humanité sont supposées mauvaises, et par conséquent condamnées à un suicide perpétuel, — où enfin la liberté et le sentiment de la dignité individuelle sont considérés comme des forces insurrectionnelles, des principes de déchéance et de désordre. Quand les deux jeunes gens se retrouvèrent, en sortant l’un de l’école de droit de Toulouse, l’autre des cercles de Bayonne, et qu’on se mit à parler d’opinions et de principes, Bastiat, qui avait déjà entrevu en germe, dans les idées d’Ad. Smith, de Tracy et de J.-B. Say, une solution tout autre du problème humain, Bastiat arrêtait à chaque