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Mugron, 9 février 1846.

Mon cher Monsieur, au moment où vous recevrez cette lettre vous serez dans le coup de feu de la discussion. J’espère pourtant que vous trouverez un moment pour notre France ; car, malgré ce que vous me dites d’intéressant sur l’état des choses chez vous, je ne vous en parlerai pas. Je n’aurais rien à vous dire, et il me faudrait perdre un temps précieux à exprimer des sentiments d’admiration et de bonheur dont vous ne doutez pas. Parlons donc de la France. Mais avant je veux en finir avec la question anglaise. Je n’ai rien vu, dans votre Peel’s measure, concernant les vins. C’est certainement une grande faute contre l’économie politique et contre la politique. — Un dernier vestige of the Policy of reciprocal treaties se montre dans cette omission, ainsi que dans celle du timber. C’est une tache dans le projet de M. Peel ; et elle détruira, dans une proportion énorme, l’effet moral de l’ensemble, précisément sur les classes, en France et dans le Nord, qui étaient les mieux disposées à recevoir ce haut enseignement. Cette lacune et cette phrase : We shall beat all other nations, ce sont deux grands aliments jetés à nos préjugés ; ils vivront longtemps là-dessus. Ils verront là la pensée secrète, la pensée machiavélique de la perfide Albion. De grâce, proposez un amendement. Quel que soit l’absolutisme de M. Peel, il ne résistera pas à vos arguments.

Je reviens en France (d’où je ne suis guère sorti). Plus je vais, plus j’ai lieu de me féliciter d’une chose qui m’avait donné d’abord quelques soucis. C’est d’avoir mis votre nom sur le titre de mon livre. Votre nom est maintenant devenu populaire dans mon pays, et avec votre nom, votre cause. On m’accable de lettres ; on me demande des détails ; les journaux s’offrent à moi, et l’Institut de France m’a élu membre correspondant, M. Guizot et M. Duchâtel ayant voté pour