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a eu la bonté de me faire parvenir la Ligue, à dater de janvier 1844, et beaucoup de documents relatifs à l’agitation.

Muni de ces pièces, j’ai essayé d’appeler l’attention du public sur vos proceedings, sur lesquels les journaux français gardaient un silence calculé et systématique. J’ai écrit dans les journaux de Bayonne et de Bordeaux, deux villes naturellement placées pour être le berceau du mouvement. Récemment encore, j’ai fait insérer dans le Journal des Économistes (n°35, Paris, octobre 1844) un article que je recommande à votre attention. Qu’est-il arrivé ? c’est que les journaux parisiens, à qui nos lois donnent le monopole de l’opinion, ont jugé la discussion plus dangereuse que le silence. Ils font donc le silence autour de moi, bien sûrs, par ce système, de me réduire à l’impuissance.

J’ai essayé d’organiser à Bordeaux une association pour l’affranchissement des échanges ; mais j’ai échoué parce que si l’on rencontre quelques esprits qui souhaitent instinctivement la liberté dans une certaine mesure, il ne s’en trouve pas qui la comprennent en principe.

D’ailleurs une association n’opère que par la publicité, et il lui faut de l’argent. Je ne suis pas assez riche pour la doter à moi seul ; et demander des fonds, c’eût été créer l’insurmontable obstacle de la méfiance.

J’ai songé à établir à Paris un journal quotidien fondé sur ces deux données : Liberté commerciale ; exclusion d’esprit de parti. — Là, encore, je suis venu me heurter contre des obstacles pécuniaires et autres, qu’il est inutile de vous exposer. Je le regretterai tous les jours de ma vie, car j’ai la conviction qu’un tel journal, répondant à un besoin de l’opinion, aurait eu des chances de succès. — (Je n’y renonce pas.)

Enfin, j’ai voulu savoir si je pouvais avoir quelques chances d’être nommé député, et j’ai acquis la certitude que mes concitoyens m’accorderaient leurs suffrages ; car j’atteignis presque la majorité aux dernières élections. Mais