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la théorie complète elle sera au moins examinée. N’est-ce pas tout ce que je pouvais désirer ? Avec quelle ardeur je vais mettre à profit ma retraite pour élaborer cette doctrine, ayant la certitude d’avoir des juges qui comprennent et qui attendent !

D’un autre côté, les professeurs d’économie politique belges essayent d’enseigner ma Théorie de la valeur, mais ils tâtonnent. Aux États-Unis, elle a fait impression, et hier à l’assemblée, une députation d’Américains m’a remis une traduction de mes ouvrages. La préface prouve qu’on attend l’idée fondamentale jusqu’ici plutôt indiquée que formulée. Il en est de même en Allemagne et en Italie. Tout cela se passe, il est vrai, dans le cercle étroit des professeurs ; mais c’est par là que les idées font leur entrée dans le monde.

Je suis donc prêt à accepter résolument la vie naturellement fort dure qui va m’être faite. Ce qui me donne du cœur, ce n’est pas le non omnis moriar d’Horace, mais la pensée que peut-être ma vie n’aura pas été inutile à l’humanité.

Maintenant, où me fixerai-je pour accomplir ma tâche ? Sera-ce à Paris ? sera-ce à Mugron ? Je n’ai encore rien résolu, mais je sens qu’auprès de toi l’œuvre serait mieux élaborée. N’avoir qu’une pensée et la soumettre à un ami éclairé, c’est certainement la meilleure condition du succès.

30 juillet 1849.

Mon cher Félix, tu as vu que la prorogation, pour six semaines, a passé à une majorité assez faible. Je compte partir le 12 ou le 13. Je te laisse à penser avec quel bonheur je reverrai Mugron et mes parents et mes amis. Dieu veuille que l’on me laisse tout ce temps dans ma solitude ! Avec ton concours, j’achèverai peut-être la première partie de mon ouvrage. J’y tiens beaucoup. Il est mal engagé,