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tres, et tous y ont trouvé une vivacité et une clarté qui entraînent le lecteur et forcent la conviction. Le je ne m’en mêle plus ne pouvait que plaire beaucoup à Dunoyer ; malheureusement les idées du jour sont portées à un point effrayant vers l’autre sens : Mêler à tout l’État. Bientôt on fera une seconde édition de mes Sophismes. Nous pourrons y joindre cet article et quelques autres, si tu en fais. Je puis bien te dire à toi que ce petit livre est destiné à une grande circulation. En Amérique, on se propose de le propager à profusion ; les journaux anglais et italiens l’ont traduit presque en entier. Mais ce qui me vexe un peu, c’est de voir que les trois à quatre plaisanteries que j’ai glissées dans ce volume ont fait fortune, tandis que la partie sérieuse est fort négligée. Tâche donc de faire aussi du Buffa.

Je te quitte ; je viens d’apprendre qu’une occasion se présente pour Bordeaux, et je veux en profiter.

Bordeaux, le 22 juillet 1846.

Mon cher Félix, je t’écrivais avant-hier, et je ne serais pas surpris que ma lettre se fût égarée ; car depuis un mois je marche de malentendu en malentendu. Il faudrait une rame de papier pour te raconter tout ce qui m’arrive ; ce ne sont pas choses aimables, mais elles ont ce bon côté, qu’elles me font faire de grands progrès dans la connaissance du cœur humain. Hélas ! il vaudrait mieux peut-être conserver le peu d’illusions qu’on peut avoir à notre âge.

D’abord je me suis assuré que le retard qu’on a mis à expédier ma brochure tient à une intrigue. Ma lettre à M. Duchâtel l’a outré ; mais elle lui a arraché l’autorisation que tant de hauts personnages poursuivaient, depuis trois mois. Et tu penses que l’association bordelaise m’en a su gré ? point du tout. Il y a ici un revirement complet d’opinion contre moi, et je suis flétri du titre de radical ; ma brochure m’a achevé. M. Duchâtel a écrit au préfet, le préfet