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Présentoient à la fois tous les biens réunis.
Abusant pour jouir, comme on fait à cet âge,
Le poulain tous les jours se gorgeoit de sainfoin,
       Se vautroit dans l’herbe fleurie,
Galopoit sans objet, se baignoit sans envie,
       Ou se reposoit sans besoin.
Oisif & gras à lard, le jeune solitaire
S’ennuya, se lassa de ne manquer de rien ;
Le dégoût vint bientôt. Il va trouver son père.
 « Depuis longtemps, dit-il, je ne me sens pas bien :
       Cette herbe est malsaine & me tue,
Ce trèfle est sans saveur, cette onde est corrompue,
 L’air qu’on respire ici m’attaque les poumons ;
       Bref, je meurs si nous ne partons. »
—Mon fils, répond le père, il s’agit de ta vie ;
       À l’instant même il faut partir.
Sitôt dit, sitôt fait ; ils quittent leur patrie.
Le jeune voyageur bondissoit de plaisir ;
Le vieillard, moins joyeux, alloit un train plus sage,
Mais il guidoit l’enfant, & le faisoit gravir
Sur des monts escarpés, arides, sans herbage,
       Où rien ne pouvoit le nourrir.
       Le soir vint, point de pâturage ;
       On s’en passa. Le lendemain,
Comme l’on commençoit à souffrir de la faim,