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Le maitre avoit perdue en ce lieu solitaire.
Le chat d’abord la considère,
La touche de sa griffe, & de l’extrémité
La fait à petits coups rouler sur le côté,
Court après, s’en saisit, l’agite, la remue,
Étonné que rien n’en sortît.
Il s’avise à la fin d’appliquer à sa vue
Le verre d’un des bouts ; c’étoit le plus petit.
Alors il aperçoit sous la verte coudrette
Un lapin que ses yeux tout seuls ne voyoient pas.
Ah ! quel trésor ! dit-il en serrant sa lunette,
Et courant au lapin qu’il croit à quatre pas.
Mais il entend du bruit ; il reprend sa machine,
S’en sert par l’autre bout, & voit dans le lointain
Le garde qui vers lui chemine.
Pressé par la peur, par la faim,
Il reste un moment incertain,
Hésite, réfléchit, puis de nouveau regarde ;
Mais toujours le gros bout lui montre loin le garde,
Et le petit tout près lui fait voir le lapin.
Croyant avoir le temps, il va manger la bête ;
Le garde est à vingt pas qui vous l’ajuste au front,
Lui met deux balles dans la tête,
Et de sa peau fait un manchon.

Chacun de nous a sa lunette,