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FABLE XX

L’Auteur & les Souris


Un auteur se plaignoit que ses meilleurs écrits
Étaient rongés par les souris.
Il avoit beau changer d’armoire,
Avoir tous les pièges à rats,
Et de bons chats ;
Rien n’y faisoit : prose, vers, drame, histoire,
Tout étoit entamé ; les maudites souris
Ne respectoient pas plus un héros & sa gloire,
Ou le récit d’une victoire,
Qu’un petit bouquet à Cloris.
Notre homme au désespoir, &, l’on peut bien m’en croire,
Pour y mettre un auteur peu de chose suffit,
Jette un peu d’arsenic au fond de l’écritoire ;
Puis, dans sa colère, il écrit.
Comme il le prévoyoit, les souris grignotèrent,
Et crevèrent.
C’est bien fait, direz-vous ; cet auteur eut raison.
Je suis loin de le croire : il n’est point de volume
Qu’on n’ait mordu, mauvais ou bon ;
Et l’on déshonore sa plume
En la trempant dans du poison.