Sans les journaux, messieurs, j’aurais été poëte !
(En regardant madame Guilbert.)
Sur mes écrits honteux vous n’auriez point pleuré !
Au lieu d’être maudit, je serais admiré ;
Je n’aurais pas enfin, dans un jeu misérable,
Perdu tout l’avenir d’un talent honorable.
(À Valentine.)
Madame, pourrez-vous me pardonner jamais ?
Oui… car je l’aime encor plus que je ne l’aimais.
La grandeur de votre âme est dans cette réponse.
Pour moi quelle leçon ! Désormais je renonce
À mon triste métier et je vends mon journal !
Et moi, je te l’achète ! Oui, pour guérir un mal,
Il faut l’étudier. Je descends dans la lice ;
Pour vaincre les journaux je me fais leur complice.
Je veux tarir les pleurs, le sang qu’ils font couler.
Mon ami !…
Malheureux ! ils vont vous immoler !
Je le sais… et mon cœur s’est armé de courage.
Je sais ce qui m’attend, et je connais leur rage :
Pour moi plus de repos, pour moi plus de bonheur.
Je leur offre ma vie, ils prendront mon honneur…
Ils iront, poursuivant ma jeunesse flétrie,
Jusqu’à me disputer le ciel de ma patrie !
Mais plus ils oseront mentir et m’outrager,
Et plus de leur pouvoir on verra le danger.
Je servirai d’exemple en servant de victime ;
En y tombant du moins je montrerai l’abîme,
Et j’y tomberai seul… et mon pays, un jour,
Bénissant mes malheurs, comprendra mon amour !