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Valentine.

Adieu ! je vais partir, soyez heureux sans moi.
Vous aimez mon mari, je vous rends sa tendresse.

Madame Guilbert.

Viens.

Valentine la repoussant.

Viens.Non, vous n’êtes plus pour moi que sa maîtresse !

Madame Guilbert.

Comment de sa pensée arracher cette erreur ?
Mais, courage, laissons s’exhaler sa fureur.
Elle n’entendrait pas maintenant !

Valentine.

Elle n’entendrait pas maintenant ! Ô misère !
Être frappée au cœur par une main si chère !
Trouver la trahison dans les bras maternels !
Une mère bénir des liens criminels,
Déshonorer sa fille !… étouffer dans son âme
Sa piété d’enfant et son amour de femme ;
La livrer à des vœux, des soupçons révoltants,
Et flétrir en un jour tous ses jours… à vingt ans !
Une mère, l’honneur, l’orgueil de la famille !
Ah ! c’est infâme !…

Madame Guilbert.

Ah ! c’est infâme !…Aussi cela n’est pas, ma fille.
Il faut m’entendre enfin… Écoute, je le veux.
Qu’importe la douleur de ces tristes aveux ?
Par d’horribles soupçons je te vois poursuivie,
Il est temps de trahir le secret de ma vie…
Oui, j’aimai ton mari…

Valentine.

Oui, j’aimai ton mari…Bien !

Madame Guilbert.

Oui, j’aimai ton mari… Bien !Malgré mes combats

Valentine.

Madame… je le sais !

Madame Guilbert.

Madame… je le sais ! Mais lui, ne le sait pas !
Jamais il n’a pu lire en mon âme blessée,
Jamais il n’a connu ma coupable pensée,
Et cet aveu, d’amour… qui m’étouffe la voix…