Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(Se tournant vers Edgar.)
Mais comment croire aussi que la sotte critique
De ces sots va changer toute une politique ?
(Se tournant vers Pluchard qui n’écoute pas.)
Il est triste, messieurs, d’être mené par vous.
Ah ! sans doute, et je souffre en pensant que des fous,
Griffonnant en riant auprès de leurs maîtresses,
Entre deux bols de punch, même entre deux ivresses,
Peuvent avec un mot absurde, irréfléchi,
Perdre un homme d’État dans les travaux blanchi.
(Regardant Pluchard, qui reste immobile.)
Qu’en dites-vous, monsieur ? votre sang-froid m’étonne.

Pluchard.

Je suis si malheureux, que je ne plains personne.
Je le crois comme vous, ce journal est mauvais ;
Mais cela m’est égal, je ne le lis jamais.

Guilbert.

Ah ! c’est charmant, monsieur ; vous en lisez un autre ?

Pluchard.

Est-ce que j’ai le temps ?

Guilbert.

Est-ce que j’ai le temps ? Mais cependant, le vôtre…

Pluchard.

Le lire est un ennui que je peux m’épargner.
C’est déjà bien assez, vraiment, de le signer.

Guilbert.

Quoi ! pas un numéro ?

Pluchard.

Quoi ! pas un numéro ? Pas une seule ligne,
Et la preuve, monsieur, c’est… c’est que je le signe.
Leur article d’hier, il est incriminé.
Il me faudra subir, si je suis condamné,
Frais, amende et prison. Ah ! pour moi c’est très-grave.
On dit notre prison froide comme une cave.
Les maux de dents, monsieur, sont mon infirmité ;
Ce que je crains le plus, moi, c’est l’humidité.

(Valentine se met à rire, madame Guilbert la gronde.)
Guilbert satisfait.

Ma foi !

Pluchard.

Ma foi ! J’avancerai les fonds de leur amende ;