Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

André.

En effet.Non, je suis mieux que je ne parais ;
La blouse me va mal, il faut me voir de près.

Pluchard.

Vous avez une barbe…

André.

Vous avez une barbe…Ah ! c’est là ma fortune.
Cette barbe, messieurs, c’est celle de Neptune,
C’est celle de Moïse et celle de Platon.
Je nourris quatre enfants des fruits de mon menton.
Pour un boiteux manchot, c’est être encore habile
Que de gagner sa vie en restant immobile.
N’importe, j’aimais mieux mon état d’imprimeur.
Je me sens mannequin et j’en ai de l’humeur.
Ah ! les vilains journaux ! ah ! que je les déteste !
Je les déchire tous de la main qui me reste.
Tiens ! j’oubliais, monsieur… vous êtes du métier…

Martel.

Je te livre, mon cher, le troupeau tout entier.
Mais va vite porter ma promesse à ton maître :
Nous ferons son éloge.

André.

Nous ferons son éloge.Il ne doit point connaître
Ma visite.

Martel.

Ma visite.Souvent, va, je prends son parti ;
Tu n’as en me parlant prêché qu’un converti.
(À Pluchard.)
Toi, Pluchard, maintenant que tu n’as rien à craindre,
Cours apaiser Guilbert ; il est venu se plaindre.

Pluchard.

Guilbert ?

Martel.

Guilbert ? Il veut, dit-il, reprendre son argent.
Va vite le calmer.

Pluchard.

Va vite le calmer.Ah ! ce n’est pas urgent,
Car nous serons bientôt hors de sa dépendance.

Martel.

Vrai ? tant mieux ! À ce soir.