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De Langeais.

Une chaise ! il n’y a pas la place…

Julie.

Non, une bûche.

De Langeais.

Une bûche ? comme c’est douillet !

Julie.

Oh ! mais une jolie bûche ouatée.

De Langeais.

Une bûche ouatée… prenez garde, ceci est voluptueux, madame !

Julie.

Avec un bon coussin pour t’appuyer… Je vais la chercher.

De Langeais.

Pas encore… tu me la donneras plus tard, cette jolie bûche… Dis-moi des nouvelles… je m’ennuie beaucoup là dedans… je n’y ai rencontré personne… non, je n’y ai rien appris… Dis-moi ce qui se passe.

Julie.

Il rit toujours… Qu’il est heureux ! plus je tremble, plus il s’amuse !…

De Langeais.

Eh ! ma pauvre femme, si j’étais sombre, que deviendrais-tu ?… crois-moi, laisse-moi rire !

Julie.

Tu me fais peur….

De Langeais.

Ah ! tu ne peux pas comprendre ça, toi ; mais, vois-tu, quand on est resté quatre à cinq heures comme ça, en cariatide, sous un toit… ou comme ça, en Zéphire, dans un tuyau de cheminée… ou comme ça, en dieu de l’Inde, dans un tonneau… et qu’on est tout à coup libre de ses pieds et de ses mains, on éprouve une joie folle, invincible, qui vous donne tout de suite un esprit léger… c’est-à-dire que même, si on venait me chercher pour me conduire à l’échafaud, je serais si content d’aller un peu sur la place prendre l’air, que ce ne serait que par réflexion que je parviendrais à m’attrister.

Julie.

Ris, plaisante, mais jamais sur ce sujet-là !…

(Elle lui prend la tête et l’embrasse.)