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Gonzalès.

Le vicomte ?… je ne sais pas ce que tu veux dire !

Rodrigues.

Ce joli garçon du Jockey-Club, qui est amoureux de ta femme et qui la suit partout.

Gonzalès.

Un homme oserait…

Rodrigues.

Allons ! calme-toi… il n’est pas dit qu’elle l’encourage.

Gonzalès.

L’idée seule !…

Rodrigues.

Ah ! tu es plaisant, toi ; tu t’imagines que tu auras épousé une des plus jolies femmes de Paris pour toi tout seul, et qu’il ne sera permis à personne de la regarder. « Ah ! tu prétends au monopole de ta femme ! rien que cela ! Et de quel droit donc, s’il te plaît ! Qui es-tu pour t’arroger ce monstrueux privilège ?

» Gonzalès.

» Parbleu ! je suis son mari !

» Rodrigues.

» Ah ! voilà le grand mot lâché ! son mari ! Qu’est-ce que cela fait, ça ? Est-ce que je ne suis pas le mari de ma femme ?… Eh bien ! est-ce que j’ai des prétentions, moi ? Tu as choisi ta femme pour sa beauté, morbleu ! il faut bien permettre qu’on l’admire ! »

Gonzalès.

Je ne défends pas qu’on l’admire, je me défends contre ceux qui l’admirent insolemment ; mais la défense n’est pas difficile. Stéphanie n’est point coquette.

Rodrigues.

Tant pis ! les coquettes sont, de toutes les femmes, les moins en danger ; la coquetterie est une monnaie, c’est la monnaie de l’amour ; or quand les femmes n’ont pas de monnaie…

Gonzalès.

D’ailleurs, elle m’aimait… elle m’aime !…

Rodrigues.

Oui ; et franchement, cela m’a toujours étonné.