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Rodrigues.

Donne-moi à boire, j’ai une soif ! (Gonzalès, qui tient la théière, verse du thé dans le verre de Rodrigues.) Eh ! tu me brûles… qu’est-ce que tu fais donc ?

Gonzalès.

J’avais compris que tu voulais une tasse de thé.

Rodrigues.

Soit, je prendrai du thé. (Il prend une tasse, Amédée y verse du vin.) Allons, bon ! voilà qu’il me verse du vin dans une tasse ! (À part.) Mais qu’ont-ils donc ? C’est le déjeuner d’un fou, servi par un imbécile. (À Amédée.) Laisse-nous…

Amédée à part, à droite.

Je ne demande pas mieux… C’est tout de même un drôle de service !

(Il sort par le fond.)
Rodrigues.

N’insistons pas, c’est plus prudent.


Scène XIX.

GONZALÈS, RODRIGUES.
Rodrigues.

Ah çà ! mon pauvre ami, ce n’est pas moi que tu peux tromper… tu souffres… tu es malheureux… Conte-moi ça, je te guérirai, moi… Tu es jaloux ? « Notre petite femme nous fait des traits, hein ?… Eh bien, ce n’est pas un malheur, on ne peut pas appeler ça un malheur.

» Gonzalès.

» Pour moi, ce serait le plus affreux de tous.

» Rodrigues gaiement.

» Il faut pourtant bien que tu t’y fasses, que tu t’y prépares… Vois-tu ! cette chose-là, c’est comme la mort : c’est inévitable ; il faut de même s’y bien préparer. Tu n’as qu’à te dire tous les matins : Ça me sera égal, ça me sera bien égal ; le grand jour venu, tu te diras tout naturellement : Ça m’est bien égal.

» Gonzalès.

» Je ne dirai jamais cela. »

Rodrigues.

Voyons, parlons net… c’est le petit vicomte qui te tracasse ?