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Je crois que c’est plutôt la femme de ménage.
Ah ! monsieur, je comprends.

Martel confus.

Ah ! monsieur, je comprends.Pardonnez à mon âge.

Guilbert.

Tout s’explique : vraiment, je ne m’étonne plus,
Messieurs, si vos écrits le soir sont mal relus,
Et si l’on trouve tant de prose vertueuse
Dans vos articles faits aux pieds d’une danseuse !
Comme vous, nous vivions très-gaiement autrefois,
Mais nous ne faisions pas et les mœurs et les lois.
Comme vous, nous aimions des femmes de théâtre,
Nous nous mêlions aux jeux de leur troupe folâtre ;
Nous flattions chaque jour leurs caprices nouveaux,
Nous leur donnions de l’or, des hôtels, des chevaux,
Des diamants, des fleurs, des châles, des dentelles,
Mais nous ne vivions pas en ménage avec elles !

(Il sort indigné.)

Scène V.

MARTEL seul.

Qu’est-ce qu’il chante là, ce vieux mauvais sujet ?
Je règle mes amours, parbleu ! sur mon budget :
Si j’avais tant de luxe à donner à ma belle,
Va, je ne vivrais pas en ménage avec elle,
Et je lui ravirais le droit de m’enchaîner ;
Mais on partage, hélas ! quand on ne peut donner.
Quand on n’a pas d’argent pour payer l’infamie
D’une maîtresse… eh bien, l’on se fait une amie.
À sa dure misère on unit son destin,
En offrant ce qu’on gagne : un asile et du pain.
(Réfléchissant)
Il est fâché… Sans lui nous serons mal à l’aise…
Mais il nous reviendra. Toute affaire mauvaise
À l’attrait du danger et du fruit défendu.
Rien ne ramène un cœur comme l’argent perdu…
Quoi ! deux heures déjà ! vite que je travaille !
Interrompu toujours, on ne fait rien qui vaille.

(Il s’assied encore devant son bureau.)

Je disais… je disais… mais je ne sais plus quoi…
Ah !… que le ministère est mené par le roi.