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(Haut.)
Patience, Nélie, on va jouer mon drame,
Le succès est certain pour le rôle de femme ;
J’ai trouvé quelques vers très-beaux… Écoute-les.

Cornélie.

Si vous m’aimiez, monsieur, vous feriez des ballets.

Martel.

J’en ai fait trois, et c’est… un travail monotone :
La Fille des déserts, Jupiter chez Latone,
Et Roland furieux.

Cornélie.

Et Roland furieux.Mon manchon !

Martel à part.

Et Roland furieux. Mon manchon ! Je suis pris.
Ah ! je suis ruiné, la martre est hors de prix ;
Le moindre chinchilla coûte une somme énorme.
(Haut, regardant le châle de velours que porte Cornélie.)
Quel joli mantelet ! quelle élégante forme !

Cornélie avec humeur.

C’est mon vieux mantelet, je le mets tous les jours.

Martel.

Eh bien, rien ne sied mieux qu’un châle de velours ;
Cela grandit la taille, ennoblit la tournure.

Cornélie.

Oui, mais sur le velours il faut de la fourrure ;
On ne peut pas sortir sans manchon le matin.

Martel à part.

Le manchon me poursuit ; inflexible destin !
(Haut.)
Un manchon ! la saison est bien trop avancée.
Nous sommes au printemps.

Cornélie.

Nous sommes au printemps.La rivière est glacée.

Martel.

Cela ne prouve rien. Les bourgeons vont s’ouvrir.

Cornélie.

Il neige tous les jours.

Martel.

Il neige tous les jours.Les lilas vont fleurir.