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m’étais pas promenée depuis huit jours… Tout à coup, au tournant de l’allée, j’aperçois dans le gazon une touffe énorme de grosses fleurs toutes roses !… d’un si joli rose !… j’ai reconnu que c’était celles que… alors… je ne m’y attendais pas et cela m’a saisie ; j’ai pensé que lui… ne les verrait jamais, jamais !… et cela m’a fait tant de mal que je me suis enfuie pour que maman ne me vît pas pleurer.

Noël en colère.

Oh ! pour le coup, c’est de l’enfantillage !… Vous deviez bien vous attendre à cela, que diable ! C’est une chose toute simple et qui arrive tous les jours. On s’amuse à planter un arbuste avec quelqu’un, et quand le printemps vient, la personne avec qui… on l’a planté n’est… plus là… ; on cueille les fleurs… sans elle… Tout le monde connaît cela… il n’y a pas de quoi pleurer. (Il pleure et se fâche.) Voyons, voyons ! soyez donc plus forte, et songez que si vous n’y prenez garde, un nouveau malheur peut bientôt vous frapper. Oui, ma chère Blanche, je vous l’ai dit, votre mère m’inquiète, sa santé ne se rétablit pas. Elle pleure des nuits entières ; elle a, au moindre bruit, des palpitations qui la font rougir et pâlir à tout moment… Il ne faut pas nous faire d’illusion : si nous ne nous entendons pas tous pour la distraire, pour lui rendre un peu le désir de vivre, le chagrin la tuera.

Blanche.

Que faire, Noël ? comment la guérir ?

Noël.

Il faut d’abord ne pas sangloter à chaque instant, comme vous faites ; il faut lui trouver des occupations… la forcer à sortir.

Blanche.

C’est ce que j’avais fait, et déjà j’étais bien contente… Elle est avec l’architecte… ils ont parlé des travaux ; les ouvriers viendront lundi. Je me réjouissais déjà de ce qu’elle avait consenti à tout ce que je lui avais demandé, lorsque j’ai aperçu ces malheureuses fleurs, et…

Noël.

Encore ! Je ne veux plus qu’on prononce devant moi le nom de ces coquines de fleurs !… Essuyez vite vos yeux et allez rejoindre madame… en courant… cela vous rendra vos couleurs… Et surtout cachez-lui bien que vous avez tant