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son souvenir, son image, pour continuer sa pensée ; je vis pour l’évoquer, pour le pleurer, pour l’aimer !… Et vous venez… vous osez !… (Elle traverse la scène.) Oh ! cette idée me révolte !… Vous osez venir me dire, à moi : « Je vous aime, oubliez-le, oublions-le ensemble ! » Et vous vous étonnez que je m’indigne !… Oh ! mais moi, je m’étonne que je puisse vous écouter encore si longtemps ! Il vient ici compter mes larmes et savoir si elles ne commencent pas à se tarir… et il espère, il est capable d’espérer… et il ose rêver qu’il me consolera, parce qu’il m’aime, lui, et qu’il saura bien me prouver qu’Adrien ne m’aimait pas !… Adrien, oh mon Dieu ! était-ce là ton ami ?

Octave.

Calmez-vous, de grâce ! j’ai tort… mais je suis si malheureux de vous voir souffrir !…

Mathilde.

Je veux souffrir.

Octave.

Le ciel m’est témoin que je donnerais ma vie pour vous sauver de ce désespoir qui vous tuera.

Mathilde.

Je ne veux pas qu’on me sauve, je ne veux pas que l’on s’intéresse à moi, je ne veux pas qu’on m’aime !

Octave.

Mathilde !

Mathilde.

Laissez-moi… laissez-moi !

(Elle sort vivement, la porte reste ouverte et l’on aperçoit aussitôt Noël, dans le fond, un plumeau à la main.)

Scène IV.

NOËL, OCTAVE.
Octave.

Par pitié !… (Descendant la scène, à droite.) Faut-il donc l’abandonner ?… Ce désespoir, c’est de la démence… Tout ce qu’elle a de force et de génie, elle l’emploie à souffrir !…

Noël posant son plumeau et fermant la porte.

Qu’est-ce donc ? Vous la tourmentez.

Octave.

Je cherche à la consoler.