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rendre ! Voilà l’égide qui saura me protéger contre toi ! Tiens, le reconnais-tu, ce bouquet ?

Madame de Blossac.

Ah !…

Hector.

Je devais te l’envoyer aujourd’hui… ce n’est pas ma faute si tu as voulu venir le chercher ici.

(Il jette le bouquet à ses pieds.)
Madame de Blossac avec un cri.

Ah ! c’était lui !…

{Elle tombe anéantie.)
Hector.

Oui, c’était moi !… moi !… Depuis quatre ans mon souvenir vengeur te poursuit. J’étais l’ami d’Arthur ! puis-je être ton bon génie, dis ? — Oh ! je pressentais bien qu’avec toi le désespoir et le déshonneur entreraient partout dans les familles ; je voulais par ce remords t’épouvanter, et je t’envoyais ces fleurs menaçantes pour te dire : « Je te connais, et je t’épie ; à ton premier crime j’apparaîtrai !… »

Madame de Blossac à genoux.

Eh bien, dénonce-moi !… Qu’attends-tu donc pour me confondre aux yeux de mes ennemis ? Appelle-les, qu’ils viennent !… Que m’importe qu’on me proclame la maîtresse d’Hector de Renneville, quand lui me croit l’assassin d’Arthur !… Ah ! tout est fini pour moi !… Lui !… ma seule espérance… lui ! mon repentir, ma conscience retrouvée !… Lui qui devait rendre à mon âme sa pureté, sa grandeur !… C’est lui qui me maudit, c’est lui qui me livre !… Lui que j’aimais tant pour son courage et pour sa loyauté ! — Va, tout le mal que j’ai pu faire… par ce tourment, je l’expie. Oh ! cet amour, je le sens !… on ne peut pas me l’ôter, me le reprendre, sans m’arracher le cœur. Mais moi, jamais je n’ai infligé à personne un pareil supplice… jamais !… C’est trop ! je ne peux pas !… Ce que je souffre est horrible. Ma tête se brise… mes larmes brûlent mes yeux… je n’y vois plus… Mon Dieu, j’étouffe !… La mort ! la mort… Ah ! mon Dieu, envoyez-moi la mort !

(Elle tombe sans force.)
Hector l’aidant à se relever.

Relevez-vous… revenez à vous !… Ces sanglots… cette douleur… Non, ce serait indigne !… Je pouvais leur livrer