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Hector à part.

Malheureuse ! (Haut.) Calmez-vous… ces souvenirs et ces aveux sont trop pénibles.

Madame de Blossac.

Non ! c’est la première fois que je puis dire tout ce que j’ai sur le cœur, cela me fait du bien. Il me semble que je me débarrasse de ces hideux secrets en les livrant à la pensée d’un autre… Mais il faut bien que tu les connaisses, Hector, pour comprendre ce que tu peux être pour moi. Un mot de toi, et je suis changée !… Un mot de toi, et ce démon de haine et d’astuce qui habite en mon esprit est chassé pour jamais !… Mon amour est si beau qu’il me régénère !… Oh ! ne me repousse pas !… prends garde, les autres femmes ne sont que des femmes… on peut les quitter sans souci ; mais moi je suis un fléau, un fléau terrible que toi seul peux conjurer… Si tu m’abandonnes, tu seras responsable de tout le mal que je vais faire et que tu peux empêcher… Oui, désormais ce n’est plus moi qui serai coupable, comprends-tu cela ? mes méchancetés seront les tiennes, mes crimes seront les tiens ! Ô mon bon génie, ne refuse pas de me protéger ! Ne dédaigne pas ton empire ! tu peux changer le mal en bien. De tous mes défauts, de tous mes mauvais penchants, tu peux faire des qualités sublimes. Je suis si heureuse, si fière d’aimer si noblement ! Je ne te demande pas ton amour ; va, le mien me suffit !… Je ne te demande même pas de t’intéresser à moi, de me consoler, de m’assister… Je ne te demande rien que de me regarder vivre, et ma vie se purifiera d’elle-même sous ton regard !…

Hector pâle, agité, éperdu, à part.

Est-ce un rêve ?… malgré moi, cette émotion…

Madame de Blossac.

Mais pourquoi détournes-tu tes yeux des miens ? Pourquoi cette pâleur, cette agitation ? Dis-moi, Hector, qu’as-tu donc ? mais qu’as-tu donc ?

Hector avec délire.

J’ai peur !… ta voix perfide me trouble, tes yeux menteurs me fascinent ! Ô rage ! je la hais, je la hais, et je sens malgré moi ma haine qui m’échappe !… Ah ! (Il pousse un cri et prend dans la coupe le bouquet de bruyères.) Non, voilà qui va me la