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Madame de Blossac.

À la bonne heure ! vous voilà vrai enfin ! Cela me faisait mal de vous voir hypocrite… Cela ne vous va pas à vous, c’est bon pour moi, c’est bon pour une femme… mais un homme !… un homme n’a pas le droit d’être hypocrite, puisqu’il peut être brave et qu’il est libre.

Hector.

Vous avez raison, cela ne me sied pas d’être fourbe. Je veux me venger de vous… je vous hais !

Madame de Blossac.

Un peu moins déjà !

Hector.

Mais pourquoi voulez-vous servir vous-même ma vengeance ?… pourquoi venir la chercher ?

Madame de Blossac.

Pour la rendre moins cruelle… s’offrir à votre colère avec confiance, c’est la désarmer !… Si je vous avais reçu chez moi, vous auriez été implacable ; mais chez vous !… attirée par vous dans un piège, c’est différent, je ne suis plus votre ennemie, je deviens votre victime ; et, je vous connais, la femme que vous êtes le plus près d’aimer est celle envers qui vous avez eu un tort.

Hector à part, avec défiance.

Elle est habile ! (Haut.) Mais ce nom… je l’attends ?

Madame de Blossac toujours assise.

Eh bien ! écoutez-moi.

Hector sans changer de place, jette les yeux sur le rideau.

Je vous écoute.

Madame de Blossac très-finement, avec un regard étrange.

Vous n’osez me regarder… Vous vous défiez de vous !

Hector lève les yeux sur elle ; rencontrant ce regard, il détourne brusquement la tête.

Oui, mais pas comme vous l’entendez.

(Il va chercher une chaise et s’assied à quelque distance.)
Madame de Blossac.

Vous craignez de me plaindre en voyant ce que je souffre ; mais je ne veux point de votre pitié : c’est votre intérêt que j’ambitionne, non pour mon passé qui est maudit, mais pour mon avenir qui peut être grand et noble, et qui dépend de vous.