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Madame de Blossac agitée, essayant de rire.

Oh ! moi, j’aime ce temps : un bon petit brouillard bien épais… On n’y voit rien… Je n’ai pas froid, j’ai marché vite.

Hector.

Si vous avez couru, vous devez avoir trop chaud ; il faut ôter votre mantelet, et ce chapeau….

(Il s’approche d’elle.)
Madame de Blossac le repousse doucement, ôte elle-même son mantelet, dénoue son chapeau qu’Hector va poser sur un meuble.

J’ai à vous parler…

Hector.

Les beaux cheveux !

Madame de Blossac allant vers la cheminée ; elle se chauffe les pieds.

J’ai à vous parler… sérieusement.

Hector.

Oh ! le joli pied !

Madame de Blossac ôtant ses gants.

Pourquoi feindre avec moi ? à quoi bon toute cette fausseté de tendresse ?… Je ne m’abuse point sur les sentiments que je vous inspire, et si je suis venue ici, chez vous !… ce n’est pas pour me donner aveuglément à votre amour, c’est pour me livrer volontairement à votre haine… N’essayez pas de me tromper… j’ai tout deviné… Ce rendez-vous est un piège… je le sais… et j’y suis venue parce que je le savais.

Hector à part.

Aurait-elle deviné ? (Haut) Madame, pouvez-vous penser…

Madame de Blossac.

Tais-toi, tu vas mentir, et je ne veux pas que tu mentes, toi la seule sincérité de toute ma vie !… Ne crains donc rien, avoue franchement ta haine, malheureux !… je la mérite, et elle t’honore… J’ai voulu perdre une jeune fille que tu aimes…

Hector.

Jeanne !… Je vous défends de parler d’elle ! Il ne s’agit plus de mademoiselle de Clairmont, elle est justifiée ; il s’agit de savoir chez quelle femme était Charles Valleray la nuit du 28 août… Vous m’avez promis de me l’apprendre, et c’est pour cela que j’ai consenti à vous recevoir.