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ACTE DEUXIÈME


Le théâtre représente un cabinet-bibliothèque. Sur le devant un bureau ; à gauche un canapé. On voit dans le fond, sur un fauteuil, un châle ; sur un autre fauteuil, un col de satin noir ; sur le canapé, une redingote, un chapeau d’homme et le sac à ouvrage d’une femme. Par terre beaucoup de papiers chiffonnés. Les cartons, les papiers du bureau sont en désordre.

Scène I.

MARTEL, BAPTISTE.
Martel reconduisant deux importuns.

Messieurs, j’en suis fâché, cela m’est impossible…
Baptiste !… maintenant je ne suis plus visible
Pour personne ; entends-tu ? pour personne !

Baptiste.

Pour personne ; entends-tu ? pour personne ! C’est bien.
Bien.

Martel.

Bien.Je veux être seul, ne m’apporte plus rien,
Ni lettres ni journaux… enfin !… Quelle galère !
Et que c’est fatigant de se mettre en colère
Du matin jusqu’au soir !… Mon courage est à bout.
Ces gens-là viendront-ils me poursuivre partout ?
L’un m’attrape au collet, et me force d’entendre
Un article assommant qu’il s’obstine à me vendre ;
L’autre d’un grand projet prétend m’entretenir,
Et me prend mon chapeau pour mieux me retenir.
J’en trouve un toujours là, que je rentre ou je sorte ;
Je passe tout mon temps à les mettre à la porte.
Des auteurs !… c’est très-long à chasser poliment.
Enfin me voilà seul ! seul et libre un moment !
La reine de mes jours, Nélie, est au théâtre :
Elle répète un pas… Nymphe, je t’idolâtre,
Mais j’aime à te savoir heureuse loin de moi,
Et mon plus grand plaisir est de penser à toi !
Je ris, et cependant, je le sens, il est triste,
Quand on est né rêveur, de vieillir journaliste ;
De perdre la saison où le talent fleurit
En de mesquins travaux et de vains jeux d’esprit ;
De vendre ses destins pour un mince salaire ;