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Des Tourbières.

Vous n’êtes pas de force, brave jeune homme !…

Hector.

Les hypocrites ne me font pas peur. Je connais ces natures impudentes et lâches : elles vous bravent tant qu’elles peuvent encore vous échapper et mentir ; mais une fois prises au piège, elles se déconcertent et ne savent plus que demander grâce humblement.

Des Tourbières.

C’est vous qu’elle prendra au piège. Elle vient ici parce qu’elle vous aime, et c’est bien là ce qui la rend si dangereuse.

Hector.

Ah ! vous vous imaginez que cette femme-là va risquer de se compromettre, de se perdre par amour ? Ce serait démentir en un jour le caractère de toute sa vie.

Des Tourbières.

Eh bien ! qu’est-ce que l’amour, s’il vous plaît, si ce n’est le démenti donné en un jour au caractère de toute notre vie ? Elle vous aime ! donc, elle sera pour vous ce qu’elle n’a jamais été pour personne… Elle sera tendre, sincère, imprudente et vertueuse. Oh ! il faut vous attendre à cela. C’est encore un des miracles de l’amour, c’est qu’il rend honnêtes les femmes les plus éhontées, les plus violentes dans leurs passions.

Hector.

Mais elle est brave, vous en conviendrez ?

Des Tourbières.

Pas tant que vous croyez… Elle a confiance dans votre loyauté, dans votre honneur.

Hector.

Avec une telle créature, l’honneur, la délicatesse sont des duperies… Oh ! je me vengerai sans scrupule !

Des Tourbières.

Vous ne vous vengerez pas !… Elle vous connaît mieux que vous ne vous connaissez vous-même. Allez, ces êtres-là ont un fameux esprit de divination !… N’ayez pas peur qu’ils s’adressent jamais à des misérables de leur espèce, à des fourbes comme eux qui pourraient leur rendre malice pour malice, lâcheté pour lâcheté… Non, ils ne traitent qu’avec