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qui dévorait un grand jeune homme !… Tant qu’il le mordait, il n’y avait pas de danger, il n’aboyait pas ; mais le jeune homme avait une grosse canne et frappait fort, et je voyais le moment où César allait lâcher prise ; c’est alors qu’il aurait hurlé et réveillé toute la maison. Il n’y avait pas une minute à perdre. Aussi, je m’approche de M. Valleray, — je l’avais reconnu, — et je lui dis : « Monsieur, prenez-moi vite la main et faites-moi beaucoup d’amitiés. » M. Valleray comprit tout de suite que je venais à son secours, il saisit ma main, et alors je lui parlai très-doucement, en le câlinant comme ça… (Elle prend vivement la main d’Hector et s’appuie sur son épaule, puis elle se trouble et s’éloigne de lui.) Avec vous, je n’ose pas ; c’est singulier… Toi, maman… (Elle pose sa main sur l’épaule de sa mère et la caresse.) Comme ça, en disant : « Ce bon M. Charles Valleray, je le connais ; c’est un de nos amis, nous l’aimons bien, il ne faut pas lui faire du mal, ni aboyer après lui. César, ne te fâche pas, tu vois bien que c’est un de nos amis » Enfin, toutes sortes de bêtises qui firent une grande impression sur l’esprit de César, car il lâcha enfin ce pauvre jeune homme. J’allai chercher la clef de la petite porte du jardin, et je reconduisis M. Valleray en lui tenant toujours la main bien affectueusement, parce que ce vilain César avait encore l’air très-maussade et que je me méfiais de lui ; et vite je suis revenue à la maison. Oh ! comme j’étais inquiète en remontant l’escalier. Je tremblais, j’avais peur d’entendre ta voix et de te trouver réveillée. Je suis rentrée chez toi tout doucement ! je me suis approchée de ton lit… Ô maman, quel bonheur ! Dieu avait eu pitié de moi, tu dormais !… {di|(Hector va vers la comtesse, il lui prend les deux mains avec orgueil. Suffoqués par leur émotion, ils tombent dans les bras l’un de l’autre.)}} Eh bien ! qu’est-ce qu’ils ont donc ?

Hector troublé, cherchant.

Charles Valleray est mon camarade de collège… Vous l’avez sauvé.

Jeanne.

Il me l’a bien dit… Lui ! le fils du préfet… une société secrète… si on l’avait surpris… il était perdu !

La Comtesse.

Comment se trouvait-il là ?