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Jeanne.

Non, maman, ce n’est pas ça.

La Comtesse.

Ah ! je le disais bien !…

Jeanne.

C’est la nuit du 27 au 28.

La Comtesse.

On t’a vue dans le jardin avec… M. Charles Valleray… Tu lui as ouvert toi-même la petite porte qui donne sur la prairie, et lui, en te quittant, comme pour te remercier du service que tu lui rendais, il s’est montré très-affectueux… pour toi

Jeanne.

Lui ? non, il m’a seulement baisé la main ; mais c’est moi qui le caressais beaucoup.

La Comtesse.

Toi ! toi !… mais pourquoi donc ?

Jeanne.

Il le fallait bien, sans cela nous étions perdus.

La Comtesse bas à Hector.

Ah ! c’est à en devenir folle !

Hector bas à la comtesse, cherchant à la calmer.

Contraignez-vous ; regardez-la, voyez comme elle est sûre d’elle ! (La comtesse remonte la scène et redescend à la gauche de Jeanne. — À Jeanne, essayant de sourire.) Voyons, mademoiselle, expliquez-nous donc un peu pourquoi vous traitiez si bien ce beau jeune homme ?

Jeanne.

Ah ! le jaloux ! Je vais vous expliquer cela ; c’est bien simple… c’est que je voulais empêcher… Mais non, je vais reprendre toute l’histoire du commencement. Je vous ai déjà dit que c’était le 28 août ; ma mère était dangereusement malade depuis trois semaines, oh ! bien mal, et depuis deux jours elle avait le délire, elle ne nous reconnaissait plus ; elle avait de grands yeux brillants qui ne voyaient plus rien ; elle me criait à moi d’un air égaré, quand je m’approchais d’elle : « Va-t’en ! va-t’en ! ta présence m’est odieuse ! » Elle me disait cela à moi, moi ! Jugez comme elle était malade ! On désespérait d’elle, on levait les mains au ciel, on parlait