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avoir le même langage ; mais que diable ! il y a une différence dans l’accent… et rien qu’à la voir !… Faisons-la causer… je vais trouver dans sa candeur de nouvelles armes pour la défendre. (Haut.) Mademoiselle…

Jeanne.

Monsieur, maman vous attend, je vais la faire prévenir.

Des Tourbières.

Elle est déjà prévenue de mon arrivée. Vous ne subirez pas longtemps l’ennui de me tenir compagnie. (Jeanne sourit. — À part.) Elle sourit, elle ne répond rien… c’est de la franchise. Une fille qui aurait donné un rendez-vous aurait une phrase polie et menteuse pour me rassurer. (Haut.) Madame votre mère est chez M. le maréchal ?

Jeanne.

Oui, monsieur.

Des Tourbières.

L’a-t-elle vu depuis hier ?

Jeanne.

Je n’en sais rien.

Des Tourbières à part.

Elle n’est pas babillarde aujourd’hui. Saurait-elle ce qui se passe ? Non, elle est blanche et rose, elle n’est pas triste, elle a seulement l’air ennuyé parce que je suis là… c’est encore de l’innocence. La pauvrette ! il faut la taquiner. (Haut.) Mademoiselle Jeanne, est-ce que vous avez toujours vos colombes ?

Jeanne.

Toujours, monsieur ; et je ne vois pas pourquoi je ne les aurais pas, puisque maman me permet de les garder.

Des Tourbières.

C’est fâcheux ! ce sont des oiseaux dangereux.

Jeanne.

Dangereux ? On dit pour exprimer la bonté : Doux comme une colombe.

Des Tourbières.

On dit plus, on dit : Tendre, tendre comme une colombe, et c’est là le mal.

Jeanne.

Doux et tendre, c’est la même chose.